LE MANJON

Compte-rendu

Très cher tous, nous devions nous rendre sur le mythique circuit du Mans pour démarrer cette superbe saison 2020.

Celle-ci devait être bénie des dieux avec un nom pareil, une aubaine comme il n’en existe que dans une vie… VIN VIN ! Franchement cette année était faite pour nous pauvres pêcheurs impénitents. Et les promesses énoncées dans ce nom divin, sont devenues rapidement si vaines. Désolation. Un virus. Avec un nom de bière dégueu. Mais il convient de se consoler, car il est des choses plus graves et comme tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, nous reviendrons très vite avec davantage d’envie et de passion…surtout pour profiter et s’amuser avec le bruit et l’odeur qui nous sont chers (oui je sais Olivier P. chers mais surtout pour vous…mais le bonheur est à ce prix là et c’est pas cher).

Nous sommes dépositaires du Fun et à ce titre nous vous le conservons religieusement, au chaud, prêts à dégainer dès que nous aurons fini de faire les cons finement, ou pas. Et comme rien n’est comme d’habitude ces jours, nous allons, dans ce légitime prolongement, ne nous conformer à rien. Habituellement nous n’avons point le temps de vous livrer la prose approximative que vous méritez et qui devrait relater vos exploits réalisés la veille sur l’asphalte brulant d’une piste encore trempée délicieusement de la sueur à peine odorante de votre front et d’ailleurs. Et bien là nous avons du temps ! Donc ça change. Mais pas d’exploits à relater. Ça, ça ne change pas.Donc nous allons en profiter pour vous faire le compte rendu de la course du Mans qui n’a pas eu lieu, cela permettant de réparer un préjudice qui était certain.

Les choses avaient plutôt bien commencé pourtant : les plus chanceux d’entre nous ont eu rendez-vous à Abu Dhabi en janvier. Le précédent compte rendu, avait largement attesté de cette chance. Les merveilles du moyen-orient. Les charmes du moyen-orient. L’une des rares courses où nous n’avons pas 120% de satisfaction (en toute modestie mal placée) mais 200 %. Tout est fait pour donner du plaisir là-bas, et cela tombe plutôt bien vu que ce n’est pas trop notre truc de prendre du plaisir, comme insistait Jérôme D.C., nous préférons qu’on nous le donne.

Ce côté travailleur acharné, sans limite, qui sied si bien à nos sportifs accomplis, qui avant de choisir définitivement l’automobile ont longtemps hésité avec le triathlon. En quête du véritable plaisir pur, servi sur un plateau avec un circuit en tous points exceptionnels, une infrastructure tout juste digne de nos pilotes, un hôtel convenable certes, et une ambiance globale qui ne donne que l’envie d’y retourner au plus vite… Si ça c’est pas du bonheur ?!? Nous avons globalement des joies simples. De surcroit nous avons réussi, et la chose n’était pas gagnée d’avance, à ramener tout le monde en France et ailleurs ! Personne n’a fini dans une prison émiratie, ce qui n’était pas écrit d’avance… quand vous lâchez un Cédric A. vous n’êtes pas garantis qu’il n’aille pas mettre son nez là où il ne faut pas. C’est le problème de l’odorat très développé. Ajouter à cela la quantité, puisque nous étions complets avec 58 voitures au départ de cette course, donc plus de 250 pilotes chevronnés comme la cheminée, à l’éducation judéo-chrétienne irréprochable qui s’adapte parfaitement à ces contrées.

Le judéo-chrétien est globalement malin, et quand tu lui expliques que si tu y touches on te la coupe et bien il y touche pas. Il est comme ça le judéo-chrétien. Il sait très bien s’intégrer à ses frères musulmans si tu lui expliques bien, avec des mots simples, sans circonvolution, sans périphrases, sans billevesées, sans ambage, sans fioriture… sujet verbe complément quoi ! Et encore faut choisir des mots simples. En bref quel week-end fabuleux. C’est alors que nous nous étions vu les rois du monde, un peu comme dans les vidéos clips qui font saigner les oreilles… roule roule roule ! Et bien non… La nature nous a rattrapé au grand galop. Et là je peux vous promettre que certains ne doivent pas faire les malins… Mais je dois vous promettre que certaines ne doivent pas faire les malines non plus… Et dans ces instants cruciaux nous pensons fortement à ELLES et c’est un doux euphémisme : point n’est besoin d’avoir de l’imagination pour mesurer, sans échelle, le degré d’horreur de la situation ! Homme, femme, animal, imaginez vous enfermés durant 30 jours, 24h sur 24h, dans un espace confiné, même de 200 mètres quarrés, avec… Olivier P.
Certes on aime énormément Olivier, mais de là à vivre avec lui… nous n’avons pas assez d’imagination, déjà le temps d’un briefing c’est long, alors H-24 avec la bête…Donc nous aurons ici une pensée émue pour toutes ces femmes…qui vont prendre cher ! Nous souhaiterions pas ça à notre pire ennemi…

Et cela tombe bien car cette année, au delà d’être l’année du pangolin (ré-écouter la Chronique de la Haine Ordinaire de Desproges sur le sujet) et pas du rat de métal comme annoncé, et qui j’en conviens n’était déjà pas géniale, cette année est celle du centenaire de la naissance de Boris Vian.

Certes c’est une manie de fêter l’anniversaire de la naissance, de la mort, de la première communion… Là en l’occurrence c’est sa naissance puisqu’il est né le 10 mars 1920. Vous nous direz pourquoi nous raconter tout cela, alors qu’on peut aisément allez trouver toutes ces informations sur Wikipédia, informations qui proviennent de toute façon certainement de là-bas… Et bien simplement parce que justement vous n’allez pas les voir ces informations. Et vous resteriez dans votre ignorance crasse sans l’intervention quasi divine de votre serviteur. Pourquoi quasi d’ailleurs ? Nous faisons, comme à l’accoutumé, office de serviteur culturel qui permet à Vincent R. de briller le lundi quand il arrive à la machine à café du bureau : tiens tu as fêté l’anniversaire de Boris toi ? Pas celui qui faisait des soirée disco… l’autre ! Bon certes en ce moment c’est sa femme qui risque de souffrir les affres de cette discussion insipide, mais la concernant nous serions davantage inquiet pour sa santé à lui, parce que Madame R. eh ben… faut pas la faire chier ! Même avec ton Boris à la noix, qui doit pas être le dernier de la bande à trouver du plaisir à tourner dans le même sens pour rattraper l’autre. Et ce n’est pas ses filles qui vont le défendre, trop occupées qu’elles sont à écrire à Manu pour lui démontrer combien il est de première nécessité qu’elles puissent aller chez Zara, et que les esthéticiennes doivent absolument être intégrées elles aussi dans cette urgence, avant que la plupart des maisons françaises deviennent le lieu de prolifération des pandas et autres grizzlis. A moins qu’elles ne prennent l’accent allemand ou portugais… Pensée émue pour notre gros rouleau des FRC… Voilà à quoi ça sert de parler ici bas de Boris Vian. Afin que la culture vienne à vous, étant donné que vous n’allez pas à elle, estimant souvent simplement comme François G. qu’il avait atteint un quota suffisant.

J’en ai déjà ! Pourquoi… il en faut d’autre ? Cet anniversaire est important car il permet de rendre à cet artiste touche à tout les lettres de noblesse qu’il n’a pas eu de son vivant surtout qu’il ne l’a pas été longtemps… (pas noble Marc O. P., vivant ! Il est mort à 39 ans.). Artiste protéiforme, un peu notre Polo à nous, il a touché à tout, un peu comme notre Polo, autant de littérature, que de musique, de dessin, de peinture, de théâtre, et sans avoir eu la chance d’avoir la juste reconnaissance de son vivant, un peu comme notre Polo, destin tragique d’un artiste né trop tôt, un précurseur, un peu comme notre Polo.

Né près de Paris à Ville d’Avray, en 1920, vu que c’est son centenaire, dans une famille relativement aisée, vu qu’aucun de ses parents ne travaille selon la définition du commun des mortels, mais qui est débordé pour Oliver P. du team O. et fils du gars qui cause dans le poste, le petit Boris grandit dans l’opulence mais ça n’est pas sale. Sa mère, musicienne, l’appelle Boris en référence à Boris Goudounov, opéra de Modeste Moussorgski, relativement relou sur l’histoire de l’état russe ; pour preuve, il n’y a qu’elle au monde qui ait fait ce choix. Puis intervient la crise de 1929, et là c’est le bordel : y a plus une tune chez les Vian. Paul, le père, est contraint de recourir à un emploi. Quelle horreur !

Imaginez Christian C. au travail. Mais n’en parlez pas aux enfants cette image pourrait les conduire à des années de psychanalyse. Dès 1938, il se met au jazz, pas Christian (là on est revenu au sujet principal) et cet art, majeur aujourd’hui ignoré seulement des sourds et des ignorants, qui n’en est pas un à l’époque, le guidera tout au long de sa vie même si elle a été courte on vous l’a dit. Malgré le début de la guerre il poursuit ses études, à Angoulême, ou l’École Centrale est délocalisée.

Ses études l’ennuient profondément, comme Sylvain C. sauf que lui n’a pas arrêté, et il décroche son diplôme d’ingénieur en 1942. Cette même année il se marie à Michelle Léglise, chez elle donc, et pour fêter ça il lui écrit un “Conte de fée à l’usage des moyennes personnes”. Elle le prend bien. Madame Roche lui aurait foutu dans la gueule, mais là non.
La littérature et le jazz sont ses deux dérivatifs à son labeur quotidien au sein de l’Association Française de Normalisation. C’est sûr que déjà avec un nom comme ça, ça vend pas du rêve…

En même temps que nous palabrons, il nous faut nous réjouir à l’idée de certaines choses qui peuvent apporter un brin de positif à cette situation pesante et certains s’y connaissent bien quand il faut mettre tout leur poids. En effet, nous serons dispensés des figures artistiques, parfois affligeante de certains pilotes qui n’en sont pas. Qui incruste une Ligier neuve dans un rail au bout du troisième tour, qui finit dans un bac à gravier sous double jaune, ou qui double délibérément sous safety car… Effectivement ces comportements anti-sportifs ne nous manquerons pas…enfin pas tout de suite vu que la rédaction de cette bafouille immonde n’intervient qu’après quatre jours de confinement. Ne parions pas sur l’avenir. On finira peut-être par être même être content de revoir Matthieu V. Imaginez… L’un des problèmes futurs et que l’on avait pas anticipé : nous avons peur que dès le jeudi 2 avril 17h36 notre corps se mette en quête de la tireuse à bière, sorte de formatage naturel, marquant le début de la saison, tel l’éléphant qui connait la voie inconsciente qu’il doit suivre. Mais nous caressons l’espoir, à défaut de caresser autre chose, que d’ici là, Manu aura reconnu cela comme une urgence sanitaire et que nous pourrons retrouver à minima le chemin de la fontaine, faute de quoi le recours à la force létale va s’imposer.
Dans une veine identique, le petit Jérôme D.C. avait bien prévu de se refaire un ou deux chargements à Dijon grâce à son camion benne Ligier : en effet il avait promis à madame de finir le tour de la piscine et l’an dernier il n’avait pas pris assez de gravier, 14 mètres cubes quand même, photos à l’appui (librement disponibles sur demande)… est ce qu’on y pense à ça ? Monsieur Darmanin ? Et non… comme d’habitude le gouvernement ne fait rien ! On ferait mieux de s’inspirer des belges : ils font des économies eux ! Pas de gouvernement ! Depuis tellement longtemps qu’on ne sait plus s’ils n’arrivent pas à en élire un ou si c’est que plus personne ne veut se présenter…

Mais retrouvons l’agriculture, et revenons à nos agneaux : cette même année, 1942, Vian se lie d’amitié avec son premier éditeur, alors secrétaire général des éditions Gallimard, Raymond Queneau. Ils partageront toute leur vie ce goût des mots, et des jeux de mots, en plus de cette amitié. Raymond c’est celui qui a fait un bouquin entier avec une gamine qui se balade dans tout Paris en quête du métro en disant “mon cul” toutes les deux sentences. Pour remettre les choses en place, et rendre à la vérité ce qu’on lui doit, ce n’est pas Boris Vian qui a créé Saint Germain des Prés. Les historiens se rejoignent sur le sujet. Ce dernier n’y trouve refuge qu’à la création du caveau des Lorientais en 1946, où il jouera de la trompette. Non c’est bien notre Régis M. roi de l’huitre, qui a créé Saint Germain, trouvant rapidement un pied à terre pour Antoine B. et l’hygiéniste Yvan Les Dents, qui donnera naissance au Bedford Arms. Injustice crasse réparée. Dès la fermeture du caveau, cette même année, Boris se retrouve avec ses amis au Tabou, 33 rue Dauphine ; il y fréquentera là-bas entre autres Prévert, Gréco, Hampton, et ceux qui deviendrons ses proches amis Sartre et l’immense Simone de Beauvoir. Quelle femme ! Si un jour nous faisons une petite aparté sur Simone, nous distribuerons des dispenses de lecture pour Marc O., Dominique L., Cédric A., Yves B. et autres qui sont largement trop sensibles à la condition féminine et pourraient être choqués par la violence des expériences subies.


Queneau croit en Boris, en son talent littéraire, il le pousse, l’aide, le soutien, mais cette carrière d’écrivain peine à démarrer, un peu comme celle de pilote pour Micael C… pourtant on y croit grave ! Pardon, il y croit grave ! Boris aussi ! Début 1946, il travaille toujours et en parallèle rédige “l’Ecume des jours” qu’il dédie à sa femme et à Raymond. Comme ça on pourrait dire… mouais bon et alors. Oui mais non ! Car c’est un véritable chef d’œuvre. Donc ça donne de la valeur. C’est pas comme si Thierry P. te dédie une course. Le seul problème dans cette histoire c’est que c’est un véritable échec commercial avec seulement quelques centaines d’exemplaires vendus. Ce qui est peu. Vraiment peu. Très peu.

En parallèle il commence à peindre. Un vrai Spebi.
L’été 46 Jean d’Halluin vient de créer les éditions du Scorpion, et sur une banquette du Flore, ils élaborent l’un des projets qui fit le plus scandale dans la littérature : il lui propose d’écrire un postiche des romans noirs américains, dans la lignée d’Arthur Miller. Vian y intègre des scènes érotiques qui feraient passer Sylvain C. pour un enfant de chœur première année. Sa justification était la même que celle de Sylvain d’ailleurs, arguant qu’elles “préparent le monde de demain et frayent la voie de la vraie révolution”. Si t’argumentes bien t’as jamais tort !

La subtilité, c’est que Boris Vian n’est censé en être que le traducteur d’un auteur américain, Vernon Sullivan. Le roman s’intitule “J’irai cracher sur vos tombes”. Personne n’a connaissance du canular, pas même Queneau. Il l’écrit en quinze jours, et sa sortie est un véritable scandale. Les sujets, leur traitement, la violence, la morale ou son absence, le sexe en font une œuvre qui dérange sur de nombreux plans et qui attirent toute l’attention sur elle, notamment celle des censeurs. Force est de reconnaitre, aujourd’hui encore, et sans être puritain, qu’il pousse loin dans des détails sordides qui peuvent déranger. Même Cédric A. Les choses vont tellement loin qu’il est accusé d’être un assassin par procuration : un homme assassine sa maitresse et laisse le roman à côté de son cadavre. Bon à ce stade là pour bien comprendre il faudrait avoir lu le roman, ce serait plus simple. Donc nous partirons sur le simple fait que vous ne saisirez pas toute la substantifique moelle de ce propos, et c’est pas grave.

Rien à voir, mais tout à coup nous pensons à madame Régis M. dont une chute volontaire sur une mine antipersonnelle reste plus agréable que d’être enfermée avec sa bête sauvage à moustache. Elle en est déjà à 7400 € d’amende au bout de trois jours…

Et du coup… on va faire comment samedi soir ? On est limité à combien pour les apéros en facetime ? 200 ? 300 ? Il est certain que la proximité physique de ces corps enveloppés va terriblement nous manquer. Qui l’eut cru ? Même votre serviteur regrette déjà amèrement ces rotondités, et ces corps transpirants et odorants au sortir de la voiture ou non.

Ces embrassades, accolades, marques sempiternelles d’affection, franche camaraderie, et autres signes d’affection non contenus, cet ensemble qui s’appelle les Fun Racing Cars, cette famille, d’alcoolophiles certes, va terriblement nous manquer dans ces moments. Et dans les autres aussi. Effectivement cela ne sert à rien de le dire, sinon d’ajouter un peu plus de souffrance à notre situation. L’intensité de ces moments est telle que leur absence ne contribue qu’à la décupler. Mais cela sert à rien de le rappeler, vu qu’on est au courant et que l’on ne peut rien y faire. Masochisme pur. Oui mais quand même c’était bien. Oui et bien ça reviendra… C’est pas comme si on était confiné en Auvergne quoi ! Y a pire !

Heureusement qu’il y a le jazz ! 1948, Boris s’y réfugie pleinement. Il se rapproche de Duke Ellington, qui n’a jamais fait les 24h du Mans, quitte son travail d’ingénieur et devient directeur artistique chez Philipps. Boris suis le Duke partout, sur tous ses projets en France. Ce surmenage affecte sa santé et il est rattrapé par sa maladie de cœur. Il doit arrêter la trompette. Il cherche alors des dérivatifs et enchaine frénétiquement les articles, anime des émissions de radio…mais toujours sur le jazz.


Comme chez François G., le succès littéraire n’y est plus. Cette même année il est reconnu comme étant Vernon Sullivan. Le cartel moral de Daniel Parker (certainement ancêtre de celui du guide) ne baisse pas les armes, parvient à faire interdire “J’irai cracher sur vos tombes” en 1949, et s’acharne sur son auteurs. L’année suivante Boris Vian croule sous les dettes accumulées par ses échecs. Sa femme le quitte. Alors là on entends de suite les réflexions du commissaire aux comptes à la retraite qui fait un lien direct de cause à effet, qui sous entendrait à peine la vénalité de la pauvrette, et la futilité de ses sentiments, propos qui pourraient en d’autres temps paraitre sexistes. Et bien pas du tout, la pauvre femme est surtout lassée du point de vue différents de Boris sur la conception du couple et plus particulièrement sur le concept de monogamie, qui apparemment lui était relativement étranger, mais tout est une question de point de vue évidemment… Comme dirait le faux corse, ça dépend comment ça m’arrange c’est tout !

L’écriture est un besoin vital pour Vian, et il s’y adonne sans relâche malgré les échecs. “L’arrache cœur”, refusé d’abord par Gallimard, sort en 1953 aux éditions Vrille et n’a… aucun succès ! C’est pas le cœur qu’il fallait arracher me rétorque maître Arnaud M., complètement à côté du sujet : on parle là de l’un des ouvrages majeurs de Vian avec “L’Ecume des jours”.

C’est un coup d’arrêt pour lui, et il abandonne définitivement la littérature, comme Sylvain C., à moins que ce dernier ce ne soit la littérature qui l’ait abandonné.
Depuis 1951, il vit dans une chambre de bonne. Il multiplie les collaborations pour survivre, le théâtre populaire… En 1953, il rencontre Jacques Canetti lors d’un concert de jazz. Rencontre essentielle pour lui, car elle marque un nouveau tournant dans sa production artistique : il commence à écrire des textes, qu’il dépose à la Sacem, qu’il interprète directement ou écrit pour certains, dont Henri Salvador. Il fait le tour des cabarets, mais sur scène, pas comme nous dans la salle. Mouloudji (rien que le nom m’amuse), son ami de longue date, chante “le Déserteur” pour la première fois au Théâtre de l’Œuvre en 1954. Il faudra attendre un an, aux Théâtre des Trois Baudets pour que son auteur l’interprète à son tour.

“Le Déserteur” est une chanson pacifiste de Vian en réaction à la guerre d’Indochine. En 1955, comme les français n’apprennent rien de leur histoire passée et sont étouffés par leur propre vanité, surtout leurs généraux, ils se font défoncer à Dien Bien Phu. Du coup la chanson n’est plus très bien vue, et les anciens combattants, au lieu de s’en prendre à un gouvernement lamentable et à ses généraux qui ne le sont pas moins, s’acharnent sur chaque ville de la tournée qui prend des allures de scandale : le disque est retiré de la vente. Brassens et Ferré deviennent des grands défenseurs de la cause de Vian, mais aussi de grands admirateurs. Pour digérer le tout, bien qu’il n’y ait aucun lien, il se marie avec sa concubine de quatre ans Ursula Kublen (Non Lionel G… elle n’avait pas quatre ans !!!). Ils s’installent Place Blanche à côté de Prévert, préférant ce dernier à Régis, alors que Jacques n’avait même pas d’huitres.
En 1956 il fait un œdème pulmonaire, conséquence d’un surmenage contraint pour subsister… Y en a chez nous qui sont pas près de faire un œdème ! Il continue cependant à écrire, pour Salvador, pas le dictateur l’autre, et consorts (mot interdit par temps de confinement… désolé), et poursuit sa boulimie de travail.

En 1958 il vend les droits d’adaptation pour l’écran de “J’irai cracher sur vos tombes”. Quand tu l’as lu, t’imagines aisément l’adaptation interdite au moins de 45 ans dotés d’un cerveau ou non. Le projet est chaotique. Vian est plutôt un frein au développement, car cette adaptation ne le satisfait pas du tout et en 1959 il fait enlever son nom du générique.
Lors d’une projection en première à laquelle son éditeur le pousse à assister, Vian voit apparaitre, dès le générique du début, la mention “d’après le roman de Vernon Sullivan, traduit de l’américain par Boris Vian”. De rage il se lève en s’écriant “Ah non !” et s’effondre dans son fauteuil. Il ne reprendra jamais connaissance. Un peu comme Félix Faure mais pas tout à fait dans les mêmes circonstances… mais si on se met à donner de l’importance aux détails, on a pas fini !
Force est alors de reconnaitre que c’est quand même une fin un peu à la con pour un auteur reconnu aujourd’hui comme essentiel ; un style hors du commun, il est maître des décrochages dans la narration de fiction, qui sont des ruptures de cohérence sémantique, et il aboutit à l’incongruité, à la drôlerie. Un style que le psychanalyste Alain Costes a comparé au phénomène des rayures en notant les occurrences des contrastes dans la vêture du corps. Certaines de ses œuvres sont considérées comme de véritables monuments dont “L’Ecume des jours” et “L’arrache cœur”, tandis que nombre de ses chansons sont élevées au rang de la poésie.
Conscients que nous sommes de mettre notre pierre à l’édifice afin que Vian ait enfin la reconnaissance qu’il mérite auprès de Sébastien G., ça ferait au moins plaisir à madame G.

Mais dans cette histoire nous aurons tout de même un avantage indéniable : il nous sera épargné de voir le dimanche matin la fraicheur du visage souriant de Jean Pierre R., dans lequel manifestement un autobus lancé à pleine vitesse aurait fait moins de dégâts, la vivacité du Vigneron qui laisse à penser que le koala n’est pas si garé que ça, l’œil vitreux d’un Grégory G. incapable de mettre la main sur ses clefs, un Abbé qui donne l’impression d’avoir dormi dans un fossé, à moins que ce ne soit le cas, un Yves B. qui fait passer notre Polo pour un perdreau de l’année, un Didier L. dont on a vraiment l’impression qu’il a passé la serpillère toute la nuit, un Franck E.qui ne sourit plus d’ailleurs il ne s’est pas levé du tout, un Franco L. qui souffle tant qu’on devrait lui placer une éolienne à proximité pour rentabiliser ces derniers souffles de vie, et comme nous sommes gentils avec vous, nous vous épargnons le Gérald R…. Et bien tout ceci nous sera effectivement épargné ! Mais l’épargne n’a pas toujours que du bon… au contraire. Nos emplettes sont nos emplois, assenait l’oncle Mitterrand.

Et la franchise qui nous caractérise, le sens profond de la véracité, cette quête existentielle qui est notre, nous oblige à vous dire que cette épargne est bien au contraire un profond déchirement. Une blessure qui n’est pas prête de se refermer. Pour cautériser cette plaie béante, il n’est qu’une solution vitale pour nous tous, se retrouver au plus vite autour de nos petites bêtes chéries, et à nouveau entendre la douce voix de Pascal A.

Comme quoi tout vraiment peut finir par manquer ! Se retrouver tous ensemble autour du Fun. Se retrouver en famille, celle d’adoption… car il n’est là dedans pas question que de course et de rouler sur ces circuits que l’on adore… le plus gros manque, le plus grand besoin, c’est bel et bien tous ces membres qui constituent la grande famille des Fun Racing Cars.

Vous nous manquez.

Tous.

Même Olivier P.

Extrait
“Je ne peux pas vous regarder sans penser que vous êtes faites pour autre chose que pour parler, et cela m’est difficile de vous parler sans vous regarder. Mais je veux bien continuer à parler avec vous.”

Concentre toi François G. ça va aller…

Le Déserteur

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter
Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer